Mort d’un Président

Le nom de Robert Picard, notre président-fondateur, travailleur infatigable à la « propagande » de notre jeu, comme l’on disait alors, ne vous est certainement plus inconnu. Dans un bulletin du Cercle de La Tour Prends Garde d’avril 1972, nous apprenons son décès le 14 février de cette même année. Pas de date de naissance, mais en 1910, il traînait déjà ses guêtres échiquéennes en Indochine et en 1889, il avait 13 ans. Notre gaillard « avale son échiquier » à l’âge canonique de 96 ans. Les Échecs conservent !

Il est probable qu’aucun de nos sociétaires n’ignore le décès survenu à Chambéry, le 14 février dernier de notre Président fondateur et vieil ami Robert PICARD. Nous pensons devoir rappeler ici son activité débordante en faveur des échecs. C’est en Angleterre où il faisait un séjour pour apprendre la langue de Shakespeare en 1889 qu’une jeune fille initia aux arcanes des Échecs le jeune parisien Robert PICARD âgé de 13 ans. En 1910, il fait partie d’un carde d’échecs à Saïgon où il apprend la théorie. À la veille de la Grande Guerre, il est inscrit au cercle de la « Rive Gauche». Le hasard l’amena à Besançon en 1927, où il installa rue Morand un atelier de mécanographe qui devait devenir un centre de rayonnement des échecs par la publication de 1948 à 1963 d’un bulletin mensuel La Tour Prends Garde ayant abonnés et correspondants jusqu’en Australie.

À son arrivée en Franche Comté, il n’existait aucun cercle non plus qu’en Bourgogne. Ayant retrouvé à Besançon quelques membres de l’ancienne Société des Échecs dont il est parlé dans la Stratégie  des années 1874 à 1897 et que la grande guerre avait dispersés, il fonda le 6 mars 1928 le Cercle d’Échec de Besançon, désigné communément depuis 1950 sous le nom de La Tour Prends Garde. En 1929, il organise le cercle dijonnais d’échecs, puis en 1931 Pontarlier, en 1932 Dole, en 1934 Montbéliard, année de la naissance de la Ligue de Bourgogne branche Comté. Après l’assoupissement dû à la guerre et l’occupation, Robert PICARD remet rapidement en route la machine de telle sorte que sa “Ligue” devait rassembler en 1953, 375 joueurs dans 21 cercles. Parallèlement, il suscitait la formation de cercles scolaires, se dépensant sans compter pour donner des cours dans les établissements, résultat 278 membres dans 8 cercles en 1954. Il organisa à Besançon, en 1949, le 24ème championnat de France, fournissant un matériel considérable qu’il devait prêter gratuitement par la suite pour d’autres championnats et notamment celui de Charleville.

À la Brasserie Granvelle, en 1959, à côté de ce beau vieillard à la moustache d’entre-deux-guerres, ce joueur en face de Maurice Thuriet
serait notre valeureux fondateur, selon le tout jeune Alain Sermier (17 ans) qui le connu peu de temps dans les années 70 ¹.

L’une de ses grandes déceptions fut l’action néfaste du Président BERMAN qui eut pour effet en 1956/57 de détacher les cercles de l’UNCE dont certains passèrent à la F.S.G.T. parmi lesquels le Roi Blanc Peugeot (100 membres), dont il avait assuré les débuts. Il s’en suivit de graves dissentiments avec la Fédération dont il abandonnait la Vice-Présidence après 4 années d’exercice.

Président pendant 32 ans du cercle de Besançon et 13 ans de la Ligue Bourgogne-Franche Comté, il devait passer le flambeau à Monsieur Maurice THURIET, ne conservant que les fonctions de trésorier jusqu’à son départ, en avril dernier, à Chambéry près de son fils Claude, lui-même joueur d’échecs. Son activité échiquéenne s’y est d’ailleurs manifestée par l’organisation du cercle de Chambéry qui pour ses débuts n’a pas hésité à s’engager dans la Coupe de France².

À sa chère épouse qui l’avait tant aidé à la confection de son bulletin, à ses enfants nous renouvelons l’expression de nos sentiments de douloureuse sympathie.

¹ Pour notre ami Maxcellend Coulon, les deux personnages désignés ne sont  pas notre président fondateur, Robert Picard et son successeur, Maurice Thuriet. Maxcellend nous enverra bientôt des photos en sa possession, ainsi que quelques souvenirs.
² Renseignements pris auprès de nos amis chambériens, notre brave Président Picard et son fils Claude sont inconnus au bataillon !