Archives par mot-clé : Interview

Les échecs sur le bout des doigts

Gérard Lemoine, bisontin d’origine, lors de notre Open de la Toussaint

Suite à un grave accident de voiture à 22 ans, Gérard perd la vue, mais pas l’espoir et le moral et affronte son handicap avec humour, se concentrant sur ce qu’il peut faire malgré ses difficultés et non pas sur ce qu’il ne peut plus faire. Ce fut un vrai plaisir d’accueillir sa présence souriante au cours de notre Open de la Toussaint. Il se prête aimablement à un petit jeu de questions-réponses.

« Je n’ai appris les échecs que fin 2010 avec Yann Lozac’hmeur de l’Académie d’Échecs Philidor qui proposait des cours adaptés aux personnes en situation de handicap. Yann, passionné d’échecs, m’a transmis sa passion. Puis je me suis inscrit au club et je m’amuse en faisant des tournois un peu partout. J’ai fait le championnat d’Europe des déficients visuels en 2015 à Lyon. Mais je préfère les tournois avec les voyants beaucoup plus sympathiques et où je suis toujours bien accueilli. Bien sûr, il y a quelques mauvais perdants parfois qui, voyant qu’ils lâchent la partie, se mettent à chuchoter les coups de manière inaudible ou qui disparaissent en fin de partie. Mais c’est très rare et les mauvais joueurs, il y en a partout. L’ambiance des tournois déficients visuels est de loin beaucoup moins sympathique à mon goût. En ce qui me concerne, je perds toujours avec le sourire.

Que penses-tu de l’accueil des clubs concernant les personnes déficientes visuelles ?

Je sais que quelques clubs n’apprécient pas beaucoup, car cela leur complique la vie. C’est vrai que l’accueil d’un déficient visuel demande un peu d’organisation. Mais en général, je ne crains pas d’aller dans des lieux inconnus, à conditions qu’il y ait un hôtel proche de la salle et je trouve toujours quelqu’un pour m’aider.

J’utilise un échiquier et des pièces adaptées, mais je suis capable de visualiser la partie de bout en bout sans son aide à condition de n’être pas fatigué. J’y suis arrivé assez rapidement à l’âge de 51 ans, mais mes trente ans de cécité antérieure ne m’ont pas vraiment aidé. J’aurais sans doute progressé plus rapidement, commençant cet apprentissage plus tôt, car j’ai toujours eu une excellente mémoire. Mais, à cinquante balais, la mémoire n’est plus très bonne. Sur cet échiquier, les cases blanches sont en creux, les cases noires surélevées, ce qui permet de « sentir » les diagonales, mais je peux déterminer dans ma tête, instantanément, la couleur d’une case. Les pièces noires possèdent un petit picot métallique au sommet pour les différencier des pièces blanches.

J’utilise une pendule parlante Kaissa de fabrication espagnole, avec des écouteurs évidemment, pour ne pas gêner mon adversaire et des touches en braille. Pour la notation, un dictaphone suffit, ce qui me permet après coup de noter mes parties et éventuellement de les analyser sur l’échiquier ou dans ma tête. Je consacre environ 5 heures par semaine à la pratique du jeu : parties sur Internet, arbitrage et analyse de mes parties. Souvent, les joueurs déficients visuels ne le font pas, estimant que c’est du temps perdu, pensant qu’ils progresseront davantage en jouant une partie de plus.

Je participe à un tournoi international amical sur Internet, à la cadence de 1 h 15 mn, ouvert à tous, voyants, malvoyants ou non-voyants via Skype comme joueur et arbitre, la Scalata, l’échelle en italien, un système de chalenge différent des appariements au système suisse. Le premier est en haut de l’échelle. Par exemple, le cinquantième peut challenger jusqu’à 5 échelons au dessus. Si je provoque le 45e et gagne, je prends sa place et mon adversaire descend d’un échelon. Je pourrais aussi provoquer le premier. Cela se joue alors en deux parties de 45 minutes chacune. Si je gagne ou je fais nul, je prends sa place et il devient second. Si je perds, chacun reste à sa place. Ce tournoi réunit une centaine de participants du monde entier et chaque partie aura son arbitre. Tout, bien sûr, ce fait à l’oreille, chaque joueur énonce son coup, je le joue sur mon échiquier et actionne la pendule. J’ai arbitré ainsi plus de 140 parties et c’est très formateur de suivre ainsi le jeu des plus forts joueurs. Ce tournoi ne s’arrête jamais, certains s’en vont, d’autre viennent. Il existe également des tournois internet traditionnels au système suisse, mais je préfère ce système scalata plus amical et convivial.

J’ai beaucoup apprécié l’aide des joueurs et des spectateurs durant ce tournoi. Encore merci pour l’accueil que l’on m’a réservé à Besançon. »

Les échecs au féminin

En France, dans les années 90, à peine 10 % de joueuses. Le nombre de féminines a doublé ces 20 dernières années, elles représentent aujourd’hui 21,10 % des licenciés. Deux femmes pour 10 hommes. Il y a encore bien du chemin à parcourir… Pourquoi si peu de femmes devant l’échiquier ? On a beaucoup argumenté, et même déliré sur ce sujet, sans pourtant apporter vraiment de réponse cohérente. Il n’en fut cependant pas toujours ainsi. Particulièrement au Moyen Âge où les femmes pratiquaient ce jeu autant que les hommes. Nino tente de répondre à cette question.


Nino nous donna également un aperçu étonnant des échecs géorgiens. Le pays, séquelle peut-être de son passé Soviétique, ne connaît pas notre fonctionnement en club. Ne croyez pas que l’on ne joue pas, bien au contraire, c’est presque le loisir national. Le Géorgien, au caractère méridional et sociable, prend son échiquier sous le bras, toque à la porte de son voisin et en découd. Mais point de compétitions, de tournois, de classement FIDE comme ici. Et si un Géorgien vous propose une partie, méfiance ! Ce ne sera pas une mazette comme notre joueur occasionnel français, il pourrait bien approcher les 2000…

Un enfant intéressé et avec quelques dispositions pour le jeu, fréquente alors assidûment le palais des Échecs avec une optique déjà toute professionnelle. Des formateurs lui proposeront des dizaines d’heures de cours par semaine et les parents s’enorgueilliront d’un avenir de champion pour leur rejeton.

Imaginons en France une fillette disant à son papa :
Je veux devenir championne d’Échecs.
Réponse assurée :
Passe ton bac d’abord !