En écho à l’étonnement de Benoît de voir l’article de l’Est Républicain sur Arthur classé dans Activité de loisir et non en Sport, voici quelques éléments de réflexion.
En premier lieu, quelques définitions des dictionnaires, qui révèlent les limites floues entre ces deux termes :
Jeu : issu du latin jocus, « plaisanterie », activité d’ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin utilitaire, et à laquelle on s’adonne pour se divertir, en tirer un plaisir. Activité de loisir soumise à des règles conventionnelles, comportant gagnant(s) et perdant(s) et où interviennent, de façon variable, les qualités physiques ou intellectuelles, l’adresse, l’habileté et le hasard.
Sport : activité physique visant à améliorer sa condition physique. Ensemble des exercices physiques se présentant sous forme de jeux individuels ou collectifs, donnant généralement lieu à compétition, pratiqués en observant certaines règles précises. Emprunté aux Anglais, la France en fait usage pour la première fois dès 1828, juste retour sur le continent du vieux français desport qui signifiait « divertissement, plaisir physique ou de l’esprit » que les Britannique avaient sans doute conservé des invasions normandes.
Le dictionnaire trilingue des sciences du sport estime que : « Par suite de sa grande portée dans le langage courant, il n’est pas possible de délimiter cette notion [le sport] avec précision ». Le terme sport, déterminé par le langage courant, est soumis à une permanente évolution. Dans son discours de clôture des États généraux du sport, en décembre 2002, le ministre des Sports, M. Jean-François Lamour s’exprimait dans le même registre en déclarant : « Chacun croit pouvoir facilement définir le sport : il est apparemment compris de tous ; mais pourtant, chacun en a une définition bien à lui. Pour certains, le sport est d’abord une activité de loisirs ; pour d’autres, il ne vaut que par l’effort physique auquel il contraint. Pour certains, c’est un jeu, pour d’autres un travail, pratiqué de façon compétitive voire professionnelle ».
Un rapport d’Hervé Madoré pour le ministère des Sports précise :
- le sport est une activité physique, cette affirmation permet d’englober l’ensemble des fédérations actuellement agréées, à l’exclusion des échecs, mais aussi d’autres activités dont la composante activité physique semble mineure et accessoire ;
- le sport est une activité sans visée utilitaire directe. C’est l’expression que les activités sportives contiennent une part d’inutilité, ce qui ne les rend pas sans objet, mais les différencie d’autres types d’activités (ex : jardinage ou bricolage) ;
- le sport pratiqué au sein d’une fédération sportive s’inscrit dans des critères éthiques.
Hervé Madoré conclut « Le sport est une activité physique, sans vocation utilitaire, pratiquée dans le respect d’une charte éthique ». Un groupe d’étude a proposé une définition d’une discipline sportive sur quatre critères cumulatifs, à la fois nécessaires et suffisants :
- la motricité est dominante et le simple fait de déplacer des pièces sur un échiquier ne constitue pas vraiment une situation motrice déterminante. « N’importe quel joueur d’échecs débutant, peut-on lire dans ce rapport, est susceptible des plus grands exploits si le champion du monde en titre le conseille sur chaque coup à jouer. Il n’en sera pas de même, si le champion du monde de tir à l’arc conseille un débutant. On voit donc que dans les sports cérébraux, c’est la dimension cognitive qui est essentielle, la motricité est sans influence sur le résultat. Ainsi, ni le bridge ni les échecs ne sont des sports. »
- des règles. Le sport, c’est un ensemble de règles, elles constituent le « contrat ludique » accepté par les participants.
- une compétition qui est une confrontation organisée contre un ou plusieurs adversaires, elle désigne un vainqueur, elle rend un classement.
- une institution. L’institution est le plus souvent l’oubliée des définitions du sport, alors même qu’elle est intimement et organiquement présente en permanence.
Une discipline sportive est donc « un ensemble de situations motrices codifiées, pratiquées sous forme de compétition et institutionnalisées ». Dans ce sens, ce groupe d’étude proposa quelques années en arrière d’abroger l’arrêté accordant l’agrément à la FFE, s’écartant du CIO qui reconnaît formellement depuis 1999 les fédérations internationales de bridges et d’échecs.
La Fédération française des échecs (FFE) a reçu l’agrément du ministère chargé des sports le 19 janvier 2000. Elle est la seule fédération des sports cérébraux à détenir cet agrément. Selon M. Cospérec : « La pratique des échecs exige que l’on soit en bonne forme physique et ce jeu est gros consommateur d’énergie » et il rajoute que : « La partie d’échecs s’apparente aux sports par bien d’autres traits » (compétition individuelle ou en équipe, présence d’un arbitre, système de classement, structuration nationale et internationale). La direction des sports rétorque dans une note du 28 juin 2004, exprimant un avis défavorable au renouvellement de l’agrément au motif que : « Les échecs sont sans contestation possible une activité ludique faisant appel aux capacités intellectuelles, que d’aucuns peuvent considérer comme un sport cérébral. En revanche, il apparaît tout autant que leur dimension d’activités physiques est toute relative, et que l’on ne saurait raisonnablement parler d’une pratique sportive s’agissant des échecs ». Heureusement, le ministre ne suivit pas cet avis. Cependant, encore aujourd’hui, cet agrément sport fait débat. Pourrait-il un jour nous être retiré ?
De son côté, la FIDE y va également de son argumentation : « Les échecs sont l’un des plus anciens jeux intellectuels et culturels. C’est une combinaison de sport, de raisonnement scientifique et de pratique artistique ». Elle agit dans ce sens pour l’intégration des échecs au programme des JO. Dans cet objectif, elle valorise le développement universel de son activité et son parfait accord avec la définition et l’histoire de l’olympisme : « Les premiers Jeux Olympiques regroupaient non seulement des athlètes mais aussi des poètes qui déclamaient leur vers, des philosophes qui présentaient leurs connaissances et des hommes d’Etat qui profitaient de ce moment pour négocier et conclure des accords. Cette idée de paix, de compréhension et de respect mutuel demeure l’élément constitutif des Jeux Olympiques modernes ».