En juin dernier, le populaire YouTuber Antonio Radic a vu sa chaîne bloquée pendant quelques heures pour contenu « nuisible et dangereux ». L’intelligence artificielle de la plate-forme signala à tort ses commentaires échiquéens sur les Noirs et les Blancs, plein de menaces et d’attaques, comme des propos racistes incitant à la haine raciale ! Notre jeu, plus que millénaire, proposant une vision du monde en noir et blanc, véhiculerait-il à notre insu une idéologie peu sympathique en donnant aux Blancs le privilège de « tirer les premiers » ?
Notre jeu refléterait-il la triste réalité de l’inégalité raciale. Pour Anish Giri « il est difficile de changer son état d’esprit, lorsqu’une partie démarre différemment. Mais si nous arrivons à changer notre vision pour un jeu, je suis sûr que les gens peuvent le faire dans la vraie vie. »
Pour la première fois, peut-on lire, deux grands-maitres brisent la règle… et les Noirs jouent les premiers !
C’est oublier que jusqu’à la fin du XIXe siècle de nombreux joueurs (Alexander McDonnel (1798-1835), au cours du match qui l’opposa à Labourdonnais) préféraient avoir les Noirs en tant que premier ou deuxième joueur, mode courante à cette époque. Dans l’Immortelle d’Adolf Anderssen contre Lionel Kieseritzky, le 21 juin 1851 à Londres, partie devenue célèbre pour les sacrifices audacieux (deux tours, un fou et une dame), Anderssen a les Noirs, mais joua en premier.
Il est vrai que l’on parle de l’avantage du trait, les Blancs gagnant un peu plus souvent que les Noirs, marquant généralement entre 52 % et 56 % des points. Les joueurs d’échecs et les théoriciens débattent depuis longtemps pour savoir si, avec un jeu parfait de part et d’autre, le résultat serait un gain des Blancs ou une partie nulle. Pour le grand-maître András Adorján, cet avantage des Blancs est plus psychologique que réel.
Nous faudra-t-il cependant revenir aux couleurs des origines indiennes : le rouge et le vert ? En espérant que de petits bonhommes verts ne débarquent pas trop vite sur notre planète, ils pourraient se sentir offensés.